La danse verticale, discipline à la croisée de l’art et de l’exploit physique, incarne une révolution dans le monde de la chorégraphie. En s’affranchissant des planchers traditionnels pour investir les murs, les façades et les espaces en hauteur, elle redéfinit les possibilités du mouvement humain. Cette forme d’expression, qui marie l’élégance de la danse contemporaine à la rigueur des techniques d’escalade, transforme les surfaces verticales en toiles vivantes où les corps, suspendus, racontent des histoires d’équilibre, de défi et de liberté. Au cœur de cette discipline, Odile Gheysens, chorégraphe franco-luxembourgeoise visionnaire, et sa compagnie in-SENSO, fondée en 2005, se démarquent par une approche à la fois technique, artistique et profondément sensible.
Odile Gheysens a fait de la danse verticale bien plus qu’une prouesse spectaculaire : elle en a fait un langage poétique, un dialogue entre le danseur, l’espace et le spectateur. Avec in-SENSO, elle explore des lieux improbables – immeubles, châteaux, falaises ou scènes intérieures – et adapte ses créations à des hauteurs allant de 10 à 70 mètres. Cette flexibilité témoigne de son génie créatif et de sa capacité à transformer chaque mur en une scène unique. Parmi ses œuvres phares, *Volibri*, co-créée avec Éric Lecomte, reste une référence incontournable. Ce spectacle aérien, présenté à travers le monde depuis près de vingt ans, met en scène des danseurs suspendus qui évoluent avec une grâce hypnotique, comme des poèmes vivants inscrits dans le vide. La pièce illustre à merveille la signature d’Odile : une fusion entre une maîtrise technique irréprochable et une sensibilité artistique qui touche au cœur.
La musique joue un rôle central dans l’univers d’Odile Gheysens, et son amour pour les mélodies envoûtantes d’Astor Piazzolla imprègne nombre de ses créations. Fascinée par le tango argentin, elle réinvente cette danse sensuelle en la projetant dans une dimension verticale et contemporaine. Les rythmes saccadés et les accents dramatiques du tango se mêlent aux mouvements aériens, créant une tension captivante entre pesanteur et légèreté. Cette exploration ne s’arrête pas là : Odile excelle également dans la vidéo-danse, un médium où elle prolonge son art avec une intensité rare. Des courts-métrages comme *In the Box*, qui enferme le spectateur dans un huis clos oppressant, ou *Brumes*, qui joue sur l’évanescence et le mystère, révèlent une facette plus intime et expérimentale de son talent. Ces œuvres, souvent décalées et toujours percutantes, témoignent de sa volonté de repousser les frontières de la danse au-delà des contraintes physiques.
Le parcours d’Odile Gheysens est marqué par une curiosité insatiable et une quête constante de renouveau. Formée à la danse contemporaine, elle s’est aventurée dans la voltige et le travail en hauteur avec une audace qui force l’admiration. Cette pluridisciplinarité lui permet de tisser des liens inattendus entre les arts, qu’il s’agisse de collaborer avec des architectes pour intégrer ses chorégraphies aux bâtiments ou d’imaginer des performances où le public devient complice de l’expérience. Avec in-SENSO, elle ne se contente pas de danser sur les murs : elle réinvente notre manière de percevoir l’espace, invitant chacun à lever les yeux pour découvrir un monde où la gravité devient une partenaire plutôt qu’une ennemie.
Au-delà de la performance, Odile Gheysens transmet également son savoir. À travers des ateliers et des formations, elle initie danseurs et artistes aux subtilités de la danse verticale, partageant son expertise en matière de sécurité, de créativité et de connexion émotionnelle. Cette générosité reflète son engagement envers une discipline qu’elle a contribué à faire grandir et reconnaître comme un art à part entière.
Avec in-SENSO, Odile Gheysens offre une vision de la danse verticale qui transcende les genres et les attentes. Ses spectacles, à la fois puissants et délicats, capturent l’essence d’un art en apesanteur où le corps devient un vecteur d’émotion pure. Pionnière infatigable, elle continue d’inspirer et d’émerveiller, prouvant que la danse, même à la verticale, reste avant tout une célébration de la vie, du mouvement et de l’imagination sans limites.
